Quelle audace d’espérer ! *
Le Mouvement des travailleurs chrétiens d'Europe (MTCE) a organisé du 22 au 25 septembre 2022 à Lisbonne, au Portugal, un séminaire intitulé "Impact de la pandémie du coronavirus sur l'emploi et les affaires sociales - expériences et mesures pour la reconstruction". 35 représentants d'organisations membres, de 8 pays européens, ont participé au séminaire et ont tous contribué en apportant leurs expériences et leurs projets.
La pandémie de Coronavirus n'est pas seulement un problème de santé publique. C'est aussi un problème social qui a mis en exergue, voire aggravé des problèmes préexistants : pauvreté, chômage, inégalités sociales, de genre…. Les différences se sont accrues.
Nous constatons que les injustices existantes avant la pandémie s'aggravent encore.
- Lors de la pandémie, la situation des travailleurs de la santé et des services à la personne, rémunérés ou non, a attiré notre attention. Les soignants étaient déjà surchargés. La pandémie a accentué ce phénomène.
- Les gouvernements ont apporté un soutien financier aux entreprises et aux travailleurs. Cependant, dans de nombreux cas, ce soutien n'a pas été suffisamment ciblé. Cela a entraîné de nombreuses distorsions sociales.
- Pendant la pandémie, le télétravail s’est développé. Cependant, tous les pays n'ont pas encore mis en place le cadre légal qui garantit les droits des travailleurs dans cette forme de travail. La question de savoir comment le télétravail peut être utilisé dans l'intérêt des travailleurs reste ouverte. Les inconvénients sont entre autres, l'isolement des travailleurs, l’accroissement de l’individualisme et l'exclusion de ceux qui n'ont pas accès aux outils numériques.
- Une grande partie des activités professionnelles n’a pu être effectuée qu’en présentiel. Or, ce sont précisément ces travailleurs qui ont été particulièrement exposés au virus. Nous pensons qu’ils doivent être reconnus et leurs métiers revalorisés.
- Pendant la pandémie, l'attention s'est enfin portée sur des activités qui restaient souvent invisibles, mais qui pourtant se révèlent essentielles pour la société, par exemple la santé, les services à la personne, le nettoyage, le transport, la logistique, l’éducation, le commerce, etc.
- Nous avons en outre constaté que les populations déjà vulnérables ont été particulièrement touchées par la pandémie : les personnes en situation de précarité et de pauvreté, les migrants, les Roms, les personnes handicapées, les jeunes, etc.
- La pandémie a engendré un stress psychologique pour de nombreuses personnes.
Néanmoins, nous voyons aussi des exemples positifs qui nous donnent de l'espoir :
- Des initiatives solidaires ont émergé en de nombreux endroits. Dans les quartiers populaires, les gens se sont soutenus mutuellement.
- Pendant la pandémie, les entreprises de l'économie sociale et solidaire ont particulièrement mis à profit leurs atouts. En plaçant la solidarité au centre de leurs préoccupations, elles se sont montrées particulièrement résilientes. L'économie sociale et solidaire est active dans tous les secteurs : Il s'agit d'entreprises locales qui réduisent les inégalités et contribuent à l'emploi durable.
Face à cette réalité, nous rêvons :
- D’un travail décent pour tous : de meilleures conditions de travail, une revalorisation des salaires, un emploi pour tous…
- D’un monde dans lequel l'être humain serait au cœur de toutes les préoccupations en politique, dans l’économie, au travail….
Et nous croyons que :
- Chacune est capable de faire quelque chose d'utile pour la société et de trouver avec qui et comment agir pour le bien commun, pour des conditions de vie décentes.
- Les plus faibles et les plus vulnérables doivent faire l’objet d’une attention toute particulière de la part de la société, des organisations et des mouvements. L’Etat via les services publics doit garantir que chacun puisse vivre dans la dignité.
- La solidarité est le chemin privilégié afin qu’aucun être humain ne soit exclu de la vie sociale. Toute forme d’initiative solidaire doit donc être valorisée.
- Nous sommes frères et sœurs en Christ. Enfants de Dieu, nous sommes appelés à vivre la fraternité.
- L’Evangile de Jésus-Christ invite chacun à être acteur de sa vie et à prendre part au service du bien commun. Il donne confiance et espérance pour vivre debout et se mettre en mouvement avec d’autres. « Lève-toi […] et marche » (Marc 2,9)
La pandémie nous a montré de manière éclatante que des changements sociaux sont nécessaires. Nous allons exiger ces transformations et contribuer à la solidarité et à la justice. En tant que chrétiens et mouvements de travailleurs chrétiens, nous voulons contribuer à un monde différent et meilleur.
Pour que ces exigences deviennent réalité, nous nous engageons à :
- Être solidaire envers les travailleurs, en particulier les plus vulnérables. Nous mettons déjà en place des projets concrets de solidarité et nous continuerons à les renforcer.
- Organiser des formations qui favorisent la responsabilisation, l’émancipation personnelle et collective, en référence aux principes de l’éducation populaire.
- Encourager le dialogue entre l'Eglise et le monde ouvrier. Nous attirons l'attention de l'Eglise sur les conditions de travail et demandons davantage de positionnements dans le sens de la dignité humaine.
- Participer activement au changement politique et à nous impliquer dans les débats publics.
- Entrer en dialogue avec d'autres organisations et à agir avec elles en faveur de la transformation sociale.
- Réfléchir avec d’autres comment relever le défi climatique en lien avec les questions sociales et à participer aux débats de société en apportant notre positionnement et nos convictions.
- Interpeler l’Union européenne afin d’adopter une loi sur la diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement, exigerait notamment que les entreprises préviennent des impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement tout au long de leurs opérations et chaînes d’approvisionnement au niveau mondial.
Il est nécessaire que nos mouvements fassent émerger et valorisent ces actes de foi qui prennent source dans la réalité de nos vies et dans nos utopies. Avec le Pape François, nous pensons que chacun peut contribuer à la nécessaire transformation sociale animée de l’espérance que le Christ nous donne.
*« L’espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne. Marchons dans l’espérance ! »
(Fratelli tutti 55).
MTCE, Lisbonne, 25 septembre 2022
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