15M IndignadosLes Indignés. Depuis la mi-mai, les places des villes d’Espagne (Madrid, Barcelone, Bilbao…) sont occupés par « les indignés ». Des jeunes en majorité qui appellent au changement et veulent construire un autre avenir. Ce mouvement se développe aussi en Grèce, en France (Paris et Strasbourg), au Portugal, en Allemagne (Berlin)

La HOAC d’Espagne a publié l’édition ci-dessous, dans son bulletin d’information.

Edito de la Revue « Noticias Obreras » (« nouvelles ouvrières » NDLR) n° 1.524

Crise, démocratie, politique

Indigne-toi, réagis, agis

On dit qu'une des réussites de notre société et de notre culture, c'est la reconnaissance de la valeur, le respect et la défense de la personne humaine. Cependant, il ne manque pas de voix qui parlent du contraire, d'un manque de respect absolu de la dignité humaine ; et ce qui est plus grave, elles parlent d'une passivité absolue face à cela ; d'un manque de réaction. Et elles nous interpellent : indigne-toi, réagis !

Si nous nous demandons comment il est possible d'évaluer ou de mesurer l'estime de la dignité humaine, nous devons convenir qu'une telle estime n'existe pas quand l'âme ne souffre pas d'être piétinée. Ont-ils raison alors, ceux qui nous interpellent ou ceux qui sont les récalcitrants de toujours, incapables de percevoir les signes positifs des temps ? Regardons de plus près :

Presque la moitié des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, une génération perdue, peut-être la mieux préparée de notre histoire. Plus de la moitié des retraités touchent une retraite qui les situe sous le seuil de pauvreté. Et nous ne réagissons pas. Moins de la moitié de la population active à un contrat à durée indéterminé, un emploi qui génère des droits sociaux, tel que le droit à une retraite digne. Le nombre de pauvre augmente : 9 millions ! La pauvreté infantile atteint les 25%. Le droit au logement, à l'éducation, aux soins, aux indemnités de chômage, à une retraite digne... disparaît, se rapetisse, ou est toujours plus limité, tandis qu'on nous impose de passer des contrats avec ceux qui nous ont conduit à la ruine. Ce qui ont provoqué cette crise à cause de leur ambition, ceux qui prennent les décisions par la voie des «marchés», ont obtenu qu'à nous tous nous les sauvions de la ruine. Et maintenant ils disent à notre gouvernement ce qu'il doit faire pour en sortir, et notre gouvernement exécute leurs ordres pour garantir leurs bénéfices au prix de notre ruine. Et nous ne réagissons pas.

Le 15 mai dernier, nous, les indignés, sommes sortis dans la rue, dans 50 villes. Nous avons été une multitude avec une multitude de messages pleins d'esprit : «Il me reste une grande partie du mois à la fin de mon salaire» ; « ce n'est pas une crise, c'est une escroquerie ». D'autres portaient leur titre de licencié collé sur la poitrine, ou la carte de chômage. Et tous de réclamer une vraie démocratie.

Cette étape est très importante, parce que, finalement, nous nous montrons indignés et nous  manifestons publiquement. Il reste à présent un long chemin d'organisation, de mobilisation et de gestion comme réponse aux problèmes que nous rencontrons. Mais cela sera la partie la moins importante. Le dur travail que nous devons assurer, c'est d'affiner les motivations qui nous poussent, si nous ne voulons pas reproduire l'éthique ou la morale de ceux qui nous ont conduit jusque là. Ils nous ont inoculé le virus de l'individualisme et de la satisfaction individuelle de l'avoir et de la possession. Si nous prétendons défendre la dignité humaine sans questionner ni l'un ni l'autre, le résultat sera la reproduction de l'habitus culturel qui nous conduit à cette situation ; et même dans le cas où nous aurons obtenu un emploi et où notre horizon personnel sera éclairci. 

Le grand défi que nous avons, c'est de démontrer qu'il n'y a pas d'issue individuelle, que l'issue individuelle est celle du néolibéralisme ; c'est de démontrer que face à cette issue, seule compte celle du don, de l'expérience que l'unique manière de lutter pour mes problèmes, c'est lutter pour les problèmes des autres. C'est l'expérience de l'amour qui cache le secret du bonheur humain : celui qui donne sa vie pour les autres par amour, la retrouve renouvelée, pleine et rayonnante.

Ainsi : indigne-toi ! Réagis ! Et agis ! Face à l'injustice faite à l'autre, mais ne cherche pas ton issue, elle te sera donnée de surcroit.