“Il est temps de favoriser les politiques de l’emploi, mais il est surtout nécessaire de redonner la dignité au travail, en garantissant aussi d’adéquates conditions pour sa réalisation”

Pape François, Discours au Parlement européen en 2014


Nous vivons aujourd’hui une période de mutations profondes dans le monde du travail et des travailleurs. Des changements qui provoquent d’énormes souffrances et une grande désorientation. Nombre de nos camarades vivent ces changements de manière résignée. Les travailleurs chrétiens d’Europe et d’ailleurs pensent qu’en tant qu’Eglise incarnée dans la réalité du monde ouvrier et du travail, ils ne peuvent détourner leur regard d’une telle situation. Ils doivent faire face à ces changements ayant la volonté de construire une vie personnelle et sociale plus humaine et plus fraternelle.


Parmi les transformations les plus significatives, il y a la manière de comprendre et d’organiser le travail humain. C’est pourquoi, alors que l’Eglise et d’autres organismes internationaux, en particulier des organisations syndicales, revendiquent depuis de longues années un travail décent, nous faisons plutôt l’expérience d’un travail de plus en plus indécent, soit parce qu’il n’y a pas de travail ou parce que celui-ci est devenu précaire et ne nous permet pas de vivre en dignité.


Face à cette réalité, nous devons nous pencher en profondeur sur les changements qui s’opèrent sur la personne, le travail et la société. Et nous voulons le faire parce que, selon l’expérience que nous apprend le Christ, chemin d’humanisation et d’épanouissement, nous observons que le travail humain et la réalité sociale qui l’entoure ne répondent pas à ce que Dieu veut pour nous. L’Eglise peut-elle se montrer indifférente face à cette réalité ? Si nous étions indifférents, nous ne serions pas l’Eglise de Jésus-Christ. Car pour l’Eglise, la personne est l’élément premier et fondamental et par conséquent, nous ne pouvons pas nous taire et rester passifs lorsque les conditions sociales font en sorte que la personne ne puisse pas vivre conformément à sa dignité de fils et fille de Dieu.


La dignité de la personne est en jeu dans le travail et les conditions dans lesquelles il s’effectue. Par fidélité à ce que nous sommes, il est urgent et nécessaire de travailler avec ténacité et si possible avec d’autres groupes et organisations, à la revendication d’un travail digne pour toutes et tous et dans la mise en œuvre de propositions et de pratiques allant dans ce sens.


Pour nos groupements (mouvements de travailleurs chrétiens, mais aussi pour l’ensemble de l’Eglise), il est essentiel de créer et de promouvoir un environnement propice au travail décent pour relever les défis que posent les inégalités et les injustices sociales croissantes, et renforcer en même temps la dignité humaine tout en contribuant au bien commun. Nous ne pouvons laisser sans réponse la souffrance humaine qui résulte tant de structures injustes que de l’égoïsme des personnes qui génère des formes de travail précaire ou mal rémunéré, de trafic d’êtres humains et de travail forcé, de diverses formes de chômage des jeunes et de migration forcée.


Il est peu probable que nous puissions apporter des changements techniques au niveau macro-économique, mais nous devons peser sur ces changements. Les changements techniques doivent être faits par les syndicats, partis, institutions... notre action ferme et déterminée, elle, elle peut apporter un changement dans la culture.


Notre tâche est d’accompagner la vie des personnes dans leurs milieux (familial, ecclésial, social, monde du travail) et contribuer :


• à créer les conditions nous permettant de vivre pleinement notre humanité.


• à un changement de mentalité, à une modification du climat culturel qui nous entoure et nous conditionne. Nous devons changer fondamentalement notre compréhension de ce en quoi consiste l’humanité et comment elle évolue.


• au changement des institutions afin que celles-ci soient davantage au service des besoins des personnes et de la consolidation et du renouvellement du tissu social.


• à construire et à rendre visibles des expériences alternatives dans la manière d’être et de travailler (dans l’utilisation des biens, les formes de travail, la vie politique, la solidarité avec les appauvris, etc.). , et à bâtir des expériences quotidiennes simples sur d’autres manières de vivre et d’autres pratiques personnelles ou communautaires.


En Espagne, en Europe et partout dans le monde, l’accès à un travail décent doit être l’objectif prioritaire des politiques publiques et des organisations sociales, patronales et syndicales, car la création de travail décent est la preuve de la dignité que nous conférons au travail et, en définitive, de la dignité qui est la nôtre en tant que filles et fils de Dieu.


Terminons par la prière du Pape prononcée à la fin de sa rencontre avec les travailleurs à Cagliari :


Seigneur Dieu, regarde-nous ! Regarde cette ville, cette île. Regarde nos familles. Seigneur, à Toi, le travail n’a pas manqué, Tu as été charpentier. Tu étais heureux. Seigneur, le travail nous manque. Les idoles veulent nous voler la dignité. Les systèmes injustes veulent nous voler l’espérance. Seigneur, ne nous laisse pas seuls, aide-nous à nous aider les uns les autres ; que nous oubliions un peu l’égoïsme, et sentions dans le cœur le « nous », nous, le peuple qui veut aller de l’avant. Seigneur Jésus, à Toi le travail ne manqua pas, donne-nous du travail et enseigne-nous à lutter pour le travail et bénis-nous tous.



Manolo Copé, coordinateur du Mouvement des travailleurs chrétiens d’Europe (MTCE) et militant de l’ HOAC